Le compte qui ne voulait pas se fermer

Mon travail de directrice générale de l’Orchestre Philharmonique de la Relève du Québec me fait vivre toutes sortes de péripéties que j’aime raconter à mes proches et mes collègues. Les raconter permet d’une part de dédramatiser l’événement et aussi d’y trouver un côté cocasse qui fait rire ceux à qui je la raconte. On me dit souvent que je devrais les écrire parce que c’est étonnant les embûches que je rencontre avec l’OPRQ. Moi, je prends ça comme des défis et après coup comme des événements relevant plus de la sitcom que de la réalité!

Cet été, suite à l’assemblée générale des membres, l’OPRQ s’est doté de nouveaux administrateurs. Trois ont quitté leur fonction au terme d’un mandat de quelques années afin de relever des défis personnels. Mais deux de ces personnes étaient cosignataires des comptes de banque avec moi! Sécurité oblige, pour notre organisme, comme dans la majorité des obnl et entreprises, il faut deux signatures sur les chèques pour les rendre valides et pour effectuer et valider les transactions bancaires. Question d’organisation, nous en mettons un troisième dans le cas où un des deux n’est pas disponible.

Signer les documents

Première étape, faire changer les signataires!
Nous sommes peu avant à la mi-août et je devrai me rendre à la banque avec les nouveaux cosignataires et les anciens (bien oui ça prend tout le monde) pour faire changer les signataires autorisés. Entre temps, je suggère au conseil d’administration de changer de banque dû au service disons… (restons poli) passable. Si l’ouverture du nouveau compte dans une autre banque a été un vrai charme, pour la fermeture, – j’éviterai de faire dans l’ironie – ce fût laborieux. Je planifie une rencontre à la banque avec un des anciens cosignataires, mais par un concours de circonstance, cette personne n’est plus disponible et l’autre cosignataire non plus. Je me rends tout de même à la banque papiers en main et de l’espoir au cœur (qui finalement tenaient plutôt de la naïveté), espérant que l’employé(e) (je vais garder son anonymat) responsable de ces actions comprendra la situation…. Mon erreur! Après explication de la situation, j’ai eu l’impression d’avoir devant moi une biche égarée qui ne savait pas où se jeter à l’arrivée du prédateur! Avec le renfort d’un(e) collègue qui s’est joint(e) à la conversation dans le but, j’ose espérer d’aider, c’est là que la biche s’est soudainement transformée en une autre bête, soit un politicien ou un vieux tourne-disque, parce qu’il/elle n’avait de cesse de répéter et répéter que je devais revenir avec l’un des deux signataires et l’autre collègue de répéter en soutien, ce que l’autre disait. Puis, moi de leur répondre calmement, que c’était compliqué, que ces personnes ne pouvaient pas venir, mais l’employé(e) ne semblait pas entendre (ou écouter ou comprendre) mes explications. J’ai demandé si le centre «mère» pourrait intervenir dans ce dossier? Mais apparemment non, c’est la succursale qui doit déterminer la validité des signataires. (Bien… faites-le?! Me suis-je dite!) Ah…c’est LE moment où j’ai eu l’impression que j’étais plus au FBI qu’à la banque! Incapable d’obtenir la moindre information ni même d’entrevoir une action possible tant cela semblait une demande relevant de la haute sécurité ou de niveau «Sécurité Nationale»! Je perçois dans leur regard et leur langage corporel que les deux employé(e)s auraient préféré me voir partir sans insister, mais je devais savoir quoi faire avec ce compte! Les frais bancaires mensuels allaient s’accumuler sans toutefois utiliser le dit compte! Et la chanson à répondre reprenait de plus belle, l’un qui «call» et l’autre qui répète, puis moi qui essaie d’apporter une variante vers un refrain constructif! C’est là qu’il m’est venu l’idée d’ajouter un couplet de mon cru!
«Que ces personnes n’étaient plus en fonction et n’étaient plus autorisées par le CA à signer des chèques et ni à procéder à des transactions pour l’OPRQ, ainsi ça devait certainement invalider leur autorisation et accès au compte.»
Ah! Le silence! La chanson s’est arrêtée!
«Il va falloir que j’en parle avec notre superviseur(e)!» Me dit soudain l’employé(e), l’autre restant loyalement à ses côtés en soutien moral.
«Pourrais-je rencontrer votre superviseur(e)?»
«Ce n’est pas possible!» (Si vous avez visité mon site web vous apprendrez qu’impossible et ses dérivés, ne font partie de mon langage).
«Pourquoi?!»
«Cette personne est en vacances!»
«Est-ce que quelqu’un d’autre est mandaté en son absence pour traiter ce genre de dossier?»
«Non!» (Bien bravo! me suis-je dite).
«Puis-je prendre rendez-vous avec votre superviseur(e) dès son retour?»
«Non, il/elle va vous appeler».
Reste calme Marie-France! Reste calme! J’avais l’impression d’entendre la voix d’Astérix qui tranquillise son ami Obélix dans la maison qui rend fou (12 travaux d’Astérix). Je demande alors si je peux faciliter le traitement de dossier en faisant parvenir des papiers comme les résolutions du conseil d’administration à cet effet.
«Ça pourrait aider» qu’on me dit! Bien on y va!

Étape deux, les papiers!
C’est là que je me rends compte que les dits papiers devaient être officiellement signés à la prochaine réunion prévue en septembre suite à des révisions d’usage! Qu’à cela ne tienne, je fais le tour de la ville pour avoir les signatures de mes coadministrateurs. À ce moment, j’étais encore la présidente du CA. Je retourne à la banque, et je dépose les papiers dont les copies seront transmises au superviseur(e) à son retour durant la semaine.

Étape trois, attendre!
Je retourne à mes occupations et j’attends l’appel téléphonique, en espérant que je serai disponible pour le prendre quand cela arrivera… On me rappelle en milieu de semaine me disant que :
«Tout est beau!»
(Hum trop beau pour être vrai!)
«Qu’est-ce que ça signifie?!» Ha! Bon réflexe, on apprend!
«Vous allez pouvoir venir avec les signataires!»
(Argggg!) Je reste polie :
«Pardon?! Quels signataires, comme j’ai expliqué…» (Bon on ne recommencera pas la chanson à répondre!)
«Notre superviseur(e), avec vos papiers, a reconnu qui sont vos signataires officiels et vous n’avez qu’à passer avec l’un des deux pour fermer le compte!»
(Soulagement!) On a fait un pas dans la bonne direction!

Étape quatre, la fermeture du compte
Nous arrivons ma collègue et moi, un jeudi en fin d’après-midi de la mi-août une semaine après le début de mes démarches (rapide quand même)! On nous demande de voir nos cartes d’identités, puis s’étant fait identifier, on signe f-i-n-a-l-e-m-e-n-t les documents pour fermer le compte. On nous remet le reste de la balance, la majorité étant déjà déposée depuis un bon moment dans notre nouveau compte! Juste pour vérifier…Je demande
«Quels sont les délais avant que le compte ne soit définitivement fermé?»
«Environ 48 heures, donc d’ici lundi!»
Je m’informe des frais d’utilisation à venir pour le mois (on ne veut pas de paiements de frais rétroactifs) :
«Tout est beau, et il n’y aura pas de frais pour d’utilisation pour ce mois?!»
«Est-ce qu’il y a d’autres actions requises de notre part?»
«Non votre compte sera définitivement fermé au plus tard lundi.»
«Merci, au revoir»
C’est là qu’on pensait en avoir terminé…Le pensiez-vous?

Étape cinq la panique à bord
Nous sommes à la mi-octobre, je prends le courrier…Ah non une lettre de la banque XXX datée du début octobre. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis sentie un peu stressée. Je l’ouvre tout de suite, là, en plein bureau de poste! On nous informe que le compte XXX est à découvert de XXX$ depuis début septembre! Les mots utilisés : «remboursement», «remédier à la situation», «nous exercerons les recours appropriés», contribuent à faire monter le niveau de stress autant que l’incompréhension puisque le compte est fermé depuis la mi-août! Qu’à cela ne tienne, je me rends à la banque sur le champ! Je montre la lettre! L’employé(e) qui a fermé le compte se souvient de moi. Mais il/elle ne trouve rien dans ses dossiers informatiques, l’accès y est bloqué…
Qui pensez-vous pourra regarder ça? Son superviseur(e)! Qui n’est pas là!? Son superviseur(e)! Que fera-t-on!? On va me rappeler! Finalement, on me rappelle plus tard en journée et on me dit qu’ils ne savent pas pourquoi, mais que le compte n’avait pas été dûment fermé au moment où nous en avions fait la démarche (retournez à l’étape 1 à la mi-août).

Étape six la fermeture du compte… officielle
Le/la superviseur(e) s’excuse (merci!) pour cette lettre et la non-fermeture dudit compte à la mi-août! Je lui parle des frais réclamés! Il/Elle me dit que la banque absorbe tous les frais (frais mensuel et de retards non payés, bien sûr pour nous, le compte était f-e-r-m-é depuis 2 mois!), car c’était leur erreur. Je demande si ce découvert aura des incidences sur notre organisme? Heureusement, non! Le/la superviseur(e) s’excuse encore et conclut en disant que le compte sera officiellement fermé : Lundi… Que pensez-vous que je vais faire cette fois-ci!? Je vais vérifier!

Oui! Ce compte est belle et bien fermé… enfin, il faut l’espérer!