«C’est surhumain!»… mais je le fais pareil!

«C’est surhumain ce que tu fais!» On me la dit souvent cette phrase quand je parle de mon implication avec l’Orchestre Philharmonique de  Relève du Québec comme directrice générale et artistique.
Quand j’ai fondé l’Orchestre Philharmonique de la Relève du Québec, que mon équipe et moi appelons affectueusement l’OPRQ, je souhaitais faire une différence positive dans ma communauté, celle de la musique classique au Québec. C’est ce que je souhaite toujours d’ailleurs! Même si je me doutais que je devrais travailler fort pour ce projet, je ne pensais pas que la charge de travail serait si grande!

Quatre ans plus tard, je peux dire que je suis une personne qui en a vu de toutes les couleurs dans le domaine de la culture, du financement culturel, de la gestion et même avec les musiciens! C’est parce que mon travail semble méconnu et qu’on me demande souvent d’expliquer ce que je vais pour l’OPRQ, que j’ai décidé de m’exprimer dans cet écrit. Je vous parle ici en toute sincérité et mon but n’est que d’informer et nullement de rechercher des honneurs.

Avoir tous les chapeaux!

Comme beaucoup de petits et relativement nouveaux organismes, l’OPRQ n’a pas encore les ressources financières des grands orchestres. Ainsi, l’OPRQ doit faire avec les ressources qu’il dispose : son conseil d’administration, ses collaborateurs et moi la directrice générale et artistique. Le C.A. voit au financement, à la gouvernance et aux saines pratique de l’organisme. Son rôle en est un stratégique et non pas de gestion au quotidien.

Les collaborateurs de l’OPRQ sont des gens du milieu des affaires, de la culture et de la gestion, qui donnent du temps bénévole en soutien à la gestion ou de service-conseil, sur une base sporadique à la mesure de leur temps disponible et de leur générosité. Si nous travaillons actuellement tous sur une base bénévole, je peux vous assurer que mes collaborateurs et moi travaillons sans compter les heures et notre implication. Mais dans le travail de «tous les jours», je suis seule.

Souvent, on me demande «Marie-France, que fais-tu pour ton organisme?» «Que représente ton travail avec l’OPRQ?» «Quelles sont les tâches que tu fais?» Voici un petit, très petit résumé de ce que je fais.

Côté direction générale je vois…
À la gestion au quotidien. Faire fonctionner un obnl demande de la structure et de l’organisation. Je suis responsable de la vision à court, moyen et long terme de l’OPRQ et de faire respecter et développer sa mission. Dans le concret, ça veut dire que je veille à ce que tous les dossiers avancent dans la ligne directrice et dans les temps voulus, à trouver des solutions, à élaborer des stratégies d’approche et de gestion, à tisser et maintenir des liens avec des partenaires, des collaborateurs, à faire connaître l’OPRQ et sa mission particulière.
Au marketing. Je fais tout ce qui a trait à la promotion, la publicité, le montage visuel des affiches de concert et des outils de promotions, à l’élaboration de plan marketing, de communication.
À l’administration. Cela comprend tout le travail de bureau, donc la gestion des courriels, la rédaction de lettres et de documents, élaborer et réviser des contrats et ententes, faire des téléphones, gérer des horaires que ce soit pour les dossiers ou les concerts et les événements. C’est généralement le travail d’un agent(e) de bureau ou d’un assistant(e) de direction. C’est un poste que je souhaite combler d’ici 1 an quand nous aurons du financement.

Justement, je vois aussi à la notion du financement. Côté comptabilité, je monte et révise les budgets élaborés avec la trésorière et votés par le CA et que je dois respecter. Je m’assure de payer les fournisseurs et de tenir les comptes à jour. Et beaucoup de mon temps disponible est consacré à la recherche de financement. Comme je le dis souvent, on m’avait dit au début de ma carrière qu’un(e) chef passe 50% de son temps de carrière à faire son métier et 50% à chercher du financement pour les orchestres avec lesquels(les) il/elle travaillent. Je fais la recherche de programmes et rédige les applications des demandes de subventions qui prennent d’incalculables pour ficeler les montages financiers, un des éléments essentiels dans les demandes de financements,. Évidemment qui dit financement dit recherche en commandites ainsi que la recherche de donations, ce que je fais. Cela nécessite des téléphones, des rencontres des lunchs d’affaire pour tisser des liens de confiances. Mais surtout des formulaires à remplir, des lettres à rédiger, des critères à satisfaire!

La gestion des musiciens est un poste qui est normalement assumé dans un orchestre par un(e) directeur(trice) du personnel musicien. Dans le cas de l’OPRQ, les tâches consistent généralement à trouver les musiciens pour la saison, puis de communiquer avec eux pour ce qui a trait aux horaires de répétition, le répertoire, l’habillement de concert et le matériel nécessaire (percussions, partitions, ententes, etc.).
Comme directrice artistique, je vois à l’élaboration des saisons avec leurs programmes de concerts. Cela implique que je dois savoir ce que les autres orchestres font pour éviter de mettre au programme la même œuvre ou un concert en même temps. Je veille à ce que le répertoire entre dans le budget (location de partition, impression, effectif de musiciens) et qu’il y ait une cohérence avec la mission, la vision et la ligne directrice artistique.
Et je suis même Webmestre et animatrice de nos médias sociaux.

Mon expérience m’enrichit sur le plan professionnel et personnel, car j’ai appris à faire de la comptabilité, des rapports d’impôt d’organisme à but non-lucratif, à faire des demandes de subventions. À contacter des commanditaires, à monter des contrats, des plans de visibilité, de marketing, à faire de la gestion, du travail de bureau, des plans d’affaire, des plans stratégique. Alouette!!! Et tout cela…en plus de ma propre carrière de chef d’orchestre et de chambriste à la clarinette.

C’est souvent là qu’on me dit que je ne peux tout faire, seule! Que ce sont les tâches d’une équipe. Mais la réalité financière est que, je suis seule dans mon équipe et que je dois faire fonctionner cet orchestre peu importe les embûches et le contexte économique difficile. Certainement, étant seule à travailler à la gestion, je peux vous dire qu’il me faut plus de temps qu’une équipe pour faire avancer les projets et les dossiers. Je ne peux me consacrer qu’à un seul dossier à la fois, tous requièrent mon attention. Hé oui, on est loin de la vitesse Grand V, car comme tous les terriens, mes journées ont 24 heures et quelques unes doivent être consacrées au sommeil. Alors, j’ai appris à accepter que le tout avance lentement mais sûrement, même si je dois «composer» l’impatience des autres à ce sujet. J’y vais avec ma capacité et mon temps disponible.

Faire beaucoup avec peu
Actuellement pour un organisme de la taille de l’OPRQ et de ses années d’existence, il y a peu de moyens financiers! Les partenaires financiers (commanditaires) prennent du temps à répondre à l’appel. Ils sont hautement sollicités de toutes part parce que les demandes ont augmenté et que les gouvernements ont fait beaucoup de coupures et n’ont pas tout réinjecté l’argent retranchée. Je dois user d’ingéniosité pour faire fonctionner l’OPRQ et produire des concerts avec très peu de moyens. Par chance, je peux compter sur des collaborateurs précieux et mon conseil d’administration. Et bien sûr, je peux compter sur vous, dévoués musiciens qui avez compris la mission et y trouvez votre bénéfice.

​Les embûches…je les bûche!
Comme je l’ai dit plus haut, il est vrai que j’ai vu de toutes sortes de situations avec l’OPRQ. Il y a l’indifférence du gouvernement pour la relève musicale. On m’a déjà dit une fois en haut palier ministérielle du ministère de la Culture et des Communications que la relève musicale au Québec ne faisait pas partie de l’agenda des préoccupations ministérielles! Une des embûches que je rencontre le plus souvent dans mon travail est les critères d’admissibilités pour les subventions, les commandites et les donations. L’OPRQ a une mission particulière, originale, qui n’entre pas dans les cadres de financement et de modèles traditionnels. Flatteur? Peut-être! Mais cela dit, je dois composer avec ce côté de la médaille et faire en sorte que l’OPRQ satisfasse aux critères afin d’obtenir du financement, le nerf de la guerre! Cela demande du temps, de l’ingéniosité pour présenter le tout sous un angle que les «fonctionnaires» et les comités évaluateurs accepteront. À ces critères, s’ajoute la longue liste de documents à remplir dont chacun comporte ses propres questions, formes, demandes de contenu et méthodologies. Il y a aussi la dichotomie entre ce que peut me dire un agent de programme et le comité qui évaluera la demande. Puis, très haut, bien au-dessus de ces embûches, vient celle de devoir former un orchestre à chaque concert qui repose en partie sur le financement auquel l’OPRQ a accès et la générosité des musiciens. Si d’une part beaucoup de musiciens souhaitent prendre part aux projets de l’OPRQ sans attendre de rémunération en retour, l’autre moitié y met son critère de base : le cachet. Il ne m’appartient pas d’avoir un opinion sur les motivations de chacun. Je comprends que plusieurs y trouve une satisfaction professionnelle (l’opportunité de jouer de leur instrument à un niveau professionnel, d’ajouter du répertoire, de faire du réseautage, etc) et je comprends aussi qu’en tant qu’artiste qui sommes hautement scolarisés, nous avons droit à la reconnaissance financière. Cela a toujours été et sera toujours la vision et le cœur de la mission de l’OPRQ : être une opportunité professionnelle. Cela dit, sans musicien, pas de projet! Pas de projet, pas de financement! Pas de financement, pas de musicien, ni d’employés! Vous commencez à comprendre le cercle!?

Faire des bûches

Alors que faire? S’avouer vaincu et fermer les portes de l’OPRQ?
Non, il faut continuer, car c’est avec de la volonté et de la persévérance que l’on réalise ses rêves et que l’on peut faire une différence dans notre communauté. Je continue, essayant de considérer les embûches comme des défis à relever ou à solutionner, comme une bûche à hacher en rondins!

Les conséquences de ne pas soutenir la relève musicale, c’est une génération de musiciens qui disparaît faute de soutien et d’opportunités.

Je fais ce qu’il faut, sans penser à tout ce que je fais, à tout ce que j’investis, parce que je crois en cette mission. Ce que je fais, je le fais dans un esprit de service à la communauté, pour améliorer le monde, mon milieu artistique. Il n’y a pas de place pour l’égo dans une implication philanthropique. On ne pense ni à soi, ni à sa gloire, mais à la mission, à la vision de ce que l’on souhaite améliorer. Je peux vous dire que dans mon parcours avec l’OPRQ, j’ai rencontré des gens du milieu culturel, dans la même situation que moi ou qui ont passé par le même chemin et qui ne sont pas nécessairement sous les projecteurs, mais qui pourtant, travaillent ardemment pour leur communauté, sans chercher la gloire!
Quand je travaille pour l’OPRQ, c’est aux musiciens à qui je pense, car je travaille à faire en sorte que l’OPRQ soit un outil de développement de carrière qui permettra de “raccrocher” et propulser des musiciens, afin que le milieu de la musique classique soit enrichi par leur talent.

En terminant, je sais qu’il est de mode et dans les mœurs des Québécois de critiquer, mais si on proposait des solutions et un coup de main plutôt que de se contenter de pointer du doigt ce qui de notre propre point de vue, semble ne pas fonctionner? Ainsi par un petit geste courtois et aimable, nous serions d’une grande utilité dans notre communauté, d’un grand soutien pour les gens qui comme moi portent à bout de bras un organisme culturel ou communautaire pour faire de notre société un meilleur monde! À ceux qui me disent que c’est «surhumain» tout ce que je fais seule, je réponds que je suis simplement une humaine qui essaie d’en aider d’autres! Ici, ce sont les musiciens. Les membres de la communauté à laquelle j’appartiens fièrement!

Sincèrement et en toute humilité,